Dossier Thématique

Anesthésie locorégionale dans la prise en charge des grossesses et de l’accouchement des patientes porteuses d’une anomalie constitutionnelle de l’hémostase à risque hémorragique

Regional anesthesia during pregnancy and delivery in women with inherited bleeding disorder

Lucia RUGERI, Fanny BONHOMME

Volume 4 - Numéro 1 - Janvier-Mars 2022

Rev Francoph Hémost Thromb 2022 ; 4 (1) : 5-10

RÉSUMÉ

L’anesthésie locorégionale neuraxiale (ALR-N) est la technique principale utilisée pour l’anesthésie et l’analgésie obstétricales, son risque principal est la ponction vasculaire accidentelle pouvant entraîner un hématome périmédullaire compressif. La grossesse et l’accouchement chez les femmes porteuses d’un déficit constitutionnel de l’hémostase nécessitent une prise en charge multidisciplinaire. Chez ces patientes, la mise en place d’un cathéter d’analgésie péridurale reste l’objet de controverses, la difficulté étant d’apprécier au mieux le risque hémorragique en fonction de la symptomatologie et des taux de facteurs, et d’évaluer la balance bénéfice/ risque. L’attitude doit être exposée à la patiente et son consentement obtenu. La pose d’un cathéter d’analgésie péridurale en l’absence de substitution est possible chez les patientes sans diathèse hémorragique selon l’anamnèse. En cas de déficit plus sévère, la crainte d’une hémorragie lors de l’accouchement conduit souvent à substituer de principe ces patientes. Une ALR-N peut être réalisée en cas de maladie de Willebrand, quel que soit son type, lorsque les taux de FVIII et VWF sont supérieurs à 50 %, dans l’hémophilie avec un taux de FVIII ou FIX > 50 %, dans les déficits en FXI > 30 % et dans les déficits en FVII > 30 %. La prise en compte du phénotype hémorragique fera discuter au cas par cas la réalisation d’une ALR-N pour les déficits en FXI > 10 % ou les thrombopathies modérées. L’ALR-N est à priori contre-indiquée dans les thrombopathies sévères, dans les autres déficits rares sévères, en particulier les formes homozygotes ou pour lesquels le seuil du risque hémorragique reste à définir, en l’absence de correction du taux de facteur déficitaire.

MOTS CLÉS

accouchement, anesthésie locorégionale, grossesse, maladie hémorragique héréditaire, risque hémorragique

ABSTRACT

Neuraxial regional anesthesia is the main technique used for obstetric anesthesia and analgesia, its major risk being accidental vascular puncture, which can lead to a compressive hematoma. Pregnancy and childbirth in women with an inherited bleeding disorder require multidisciplinary management. In these patients, the use of an epidural analgesia catheter is controversial, with the difficulty to assess the risk of bleeding according to the symptoms and factor levels, and to assess the risk/benefit balance. The peripartum management has to be explained to the patient and her consent has to be obtained. The placement of an epidural analgesia catheter in the absence of substitution is authorized for patients without a history of bleeding. For more severe disorder, the fear of hemorrhage during childbirth often leads to factor supplementation. Neuraxial anesthesia is allowed in Willebrand’s disease, whatever its type, when FVIII and VWF levels are >50%, in hemophilia with FVIII or FIX levels >50%, in FXI deficiency >30% and FVII deficiency >30%. Consideration of the bleeding phenotype will lead to a case-by-case discussion for FXI deficiency >10% or moderate thrombopathy. Neuraxial anesthesia will be mostly contraindicated in severe thrombopathy, in other severe rare deficiencies, in particular homozygous forms or for which the bleeding risk threshold remains to be defined, when the level of the deficient factor is not corrected.

KEYWORDS

bleeding risk, delivery, inherited bleeding disorder, pregnancy, regional anesthesia